Précédemment dans 2184 :
Au pied de l’ascenseur de la station de l’airTube, le vieil homme désigne du doigt une autowave garée de l’autre côté du trottoir. Alors qu’ils s’apprêtent à traverser, les sirènes hurlantes d’un véhicule de police envahissent le quartier. Le vieil homme allume son SmartScreen et enclenche le démarrage à distance de l’auto. Les bras automatiques de la place de parking libèrent le véhicule dont le moteur s’est mis en marche. La voiture de police est maintenant à l’angle de la rue et la sirène s’interrompt pour laisser place à la voix d’un agent qui hurle dans le haut-parleur :
- Jack Beckman ! Ne bougez plus ! Jack Beckman ! Ne bougez plus !
Cette fois Andy a bien la certitude qu’il s’agit de son père. Ce dernier pianote sur son écran qui affiche maintenant une carte du quartier, son autowave y figure. Il pose le doigt dessus et la glisse jusqu’à eux. Aussitôt la voiture fait une vive embardée et arrive devant eux en crissant des pneus.
- Monte, crie Jack à son fils. Ils sont là !
En effet, alors qu’ils montent dans l’autowave, celle de la police dérape juste derrière eux. A peine assis, Beckman père enfonce l’accélérateur et l’auto disparait brusquement dans les rues de la ville.
- J’ai beaucoup de choses à t’expliquer donc je ne répondrais peut-être pas à toutes tes questions tout de suite, explique Jack à Andy.
Andy, le souffle coupé par ce qu’il vient de vivre se contente d’hocher la tête.
- Lorsque j’ai été condamné je me suis retrouvé dans le couloir de la mort avec deux autres hommes. En discutant avec eux, j’ai appris qu’il n’avait réellement rien fait de condamnable et qu’ils étaient là uniquement parce qu’ils étaient de niveau i5. Leur intelligence dérangeait l’Alliance. Oui je vois dans ton regard que tu n’as jamais entendu parler de niveau i5. En réalité à l’heure qu’il est toi aussi tu serais de ce niveau.
Andy ne comprend pas. Son père poursuit alors qu’ils entrent dans un souterrain.
- Quand l’Alliance a compris que les hommes de niveau i4 avaient une intelligence capable de s’améliorer, ils ont considéré que ceux-ci devenaient dangereux pour la paix. Car ils avaient tendance à philosopher et à vouloir revenir à des libertés ou des méthodes qui avaient été supprimées il y a bien longtemps. L’Alliance a donc fait disparaitre tous les hommes de ce niveau d’intelligence et à « vacciner » les autres.
L’autowave maintenant garée dans un sous-sol de la ville, Andy demande :
- La vaccination SafeI4 n’était pas pour prévenir les maladies inhérentes
au…
- Non Andy, le vaccin n’était qu’un agent mutagène visant à éviter l’amélioration intellectuelle des gens de niveau i4.
Le jeune homme porte la main à son front. Il ne sent pas bien. Son père ouvre la boite à gant et lui tend une petite bouteille d’eau.
- Bois fiston et suis-moi. Je t’emmène chez moi.
Les deux hommes sortent de l’auto et se dirigent vers un escalator. Jack interrompt son fils une seconde :
- Je vais être honnête avec toi. Je sais que toi et Julia ça ne va pas bien et c’est entre autre pour ça que je suis venu te chercher aujourd’hui. Tu vas pouvoir nous aider.
- Comment ça ? Tu sais pour elle et moi ? Tu nous observes ? s’énerve
Andy.
Son père acquiesce ses yeux demandant pardon.
- Je n’avais pas le choix. Je cherche à te protéger. Et tu as raison à propos de la fertilité. On doit y revenir et c’est pour ça que je suis là.
Alors que le jeune homme fronce les sourcils sa montrix vibre à son poignet. Un flash spécial est annoncé. Il ouvre l’information et lit en silence puis à haute voix quand il découvre qu’il s’agît de lui et son père :
- … Les deux fugitifs Jack et Andy Beckman, deux hommes extrêmement dangereux sont actuellement dans les rues de Phœnix et sont probablement armés. La femme d’Andy Beckman viendrait même de déclarer que son mari a tenu des propos désobligeant à l’égard du gouvernement et l’aurait menacée d’annuler leur commande d’enfant considérant qu’il fallait revenir à la reproduction sexuée. Des propos barbares qui rejoignent tout à fait la philosophie du père Beckman. Ce dernier avait été condamné à la peine capitale il y a 11 ans mais avait réussi à s’échapper du couloir de la mort selon une source gouvernementale. Restez avec nous pour plus d’information sur cette évasion qui était ignorée des médias jusqu’à ce jour. Si vous êtes en possession de la moindre information sur ces deux hommes contactez le 911.
Les deux hommes se regardent un instant. Le vieil homme attrape alors le bras de son fils et le retourne pour découvrir la face interne de son poignet. Il sort une lame de sa poche et dit :
- Je suis obligé fiston. Ils peuvent te repérer avec ça.
Andy suffoque. Il n’écoute pas son père. Il est estomaqué. Il n’en revient pas. Julia l’a trahit. « Elle ne m’aime plus », pense-t-il. Alors qu’une larme coule sur le visage du jeune homme, son père découpe la surface interne de son poignet qui se met à saigner. Il extrait alors délicatement la puce magnétique qui est coincé entre deux veines puis presse un mouchoir sur la plaie. Andy pleure maintenant. « Julia », pense-t-il. « Pourquoi ? »
- Il est temps Andy ! Tiens le mouchoir bien appuyé sur ton bras et suis-moi. Je suis désolé pour Julia. Une fois à l’abri on en reparle.
Les Beckman s’enfoncent dans un couloir sombre. Le père court et le fils peine à le suivre. Jack s’arrête brusquement et place sa main dans un boitier à droite d’une porte. Chaque empreinte de ses doigts est scannée. Après un court instant la porte s’ouvre. Les deux hommes pénètrent dans un autre couloir. Le père avance tranquillement vers la lumière qui provient d’une pièce de l’appartement dans lequel ils sont entrés. Une jeune femme de l’âge d’Andy et un homme approchant la soixantaine surgissent.
- Jack, dit la jeune femme un air soulagé. Vous avez réussi ?
- Oui, répondit le vieil homme. Voici mon fils, Andy. Andy, je te présente Victoria
et Mark mes deux amis.
- Enchanté, dit Mark en lui serrant la main. Nous t’attendons depuis si longtemps.
Nous sommes heureux de t’accueillir ici.
- Ravie, ajoute Victoria en embrassant les deux joues humides d’Andy.
Le jeune homme a le visage pincé. Il soulève le mouchoir qu’il maintient fermement appuyé depuis cinq minutes. La plaie ne saigne déjà plus mais elle lui fait encore mal. Il regarde Victoria, Mark et son père qui semblent inquiets. Il a l’impression de perdre l’équilibre. Alors que son champ de vision se rétrécit, que son cœur s’emballe et qu’il ne sent plus ses jambes, il a à peine le temps d’esquisser un sourire qu’il s’effondre. Les deux autres hommes se précipitent pour le retenir dans sa chute.
**
Quelques minutes plus tard, Andy ouvre les yeux d’un coup et crie :
- Julia !
Il se relève et s’assoie au bord du canapé où il a été allongé. Son père qu’il a revu pour la première fois après 11 ans ce matin lui sourit.
- Je suis désolé pour tout ce qu’il t’arrive fiston. Et je suis en grande partie responsable. Si tu veux bien, nous allons tout t’expliquer.
Le jeune homme hoche la tête.
- « Tu veux un verre d’eau Andy ? », demande la jeune femme qui est derrière le bar d’une cuisine américaine dans l’angle de la pièce.
- Oui s’il vous plait, répond-il.
- Oh ! Tu peux me tutoyer, tu sais.
- Pareil pour moi, ajoute Mark dans le fauteuil en face de lui.
Andy dévisage à nouveau son père dont le profil n’est pas celui qu’il a connu. Jack qui comprend l’interrogation de son fils débute ses explications.
- J’ai dû recourir à la chirurgie pour mon visage et mes mains. Après mon évasion, je ne voulais pas pouvoir être ni retrouvé ni reconnu. Comme tu le sais, j’ai été accusé de faire des recherches sur la stérilité et notre projet Bioviva a été interdit par le gouvernement. Contrairement à ce qu’ils racontent nous n’avons jamais réussi à rétablir la fertilité chez aucun être vivant. A vrai dire, c’est quand j’ai découvert comment ré-induire la fertilité chez le mâle que les fédéraux m’ont annoncé que j’allais être arrêté. Et tu ne t’en rappelles peut-être pas mais quelques jours avant mon arrestation je t’ai demandé…
- …de venir à ton labo pour une injection, dit Andy. Si, si, je m’en rappelle très bien. Tu m’avais dit que c’était contre la grippe saisonnière.
- Oui et bien ce n’était pas tout à fait ça, avoue le vieil homme en rougissant. A cette période j’étais encore relativement jeune et j’étais un peu inconscient. Je reconnais n’avoir pas toujours été honnête avec toi.
- Mais c’était quoi alors ? demande le jeune homme désagréablement surpris.
- La formule, répond Jack à voix basse.
- Comment ça ? insiste Andy en haussant le ton.
- Disons que je t’ai injecté un concentré mutagène visant à inscrire un code dans certaines de tes cellules. Un code qui me permettrait de retrouver la formule que j’ai mise au point à l’époque.
- « Tu plaisantes ? », s’énerve le jeune Beckman. Tu t’es servi de moi comme d’une clef USB ?
- Très schématiquement oui, confesse le père.
Dans la pièce, l’atmosphère est électrique. Le fils fusille son géniteur du regard. Victoria sentant qu’Andy est hors de lui s’approche calmement le verre à la main.
- Tiens Andy ton verre d’eau, dit-elle.
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