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Proposition : A la manière de Jean Giono, dans "Mort d'un personnage", écrire un trajet niché dans ses souvenirs, proches ou lointains, réels ou fictifs.

 

Une porte claque, la sieste est finie. Mon ennui est là, au sol, vaincu.
Ce sourire qui se dessine sur mon visage (le plus sincère de mon enfance) est le coup d'envoi d'une après-midi comme je les aime. Mes oncles et tantes, parents et grands-parents s'affairent à ranger les derniers plats et couverts restés sagement sur la grande table du jardin. Ce ballet de cliquetis est la cloche qui sonne le départ.

Nous quittons à pied la maison chargés des outils-à-souvenirs de nos vacances.
Mes deux cousins les plus casse-cous courent déjà après le ballon qui traverse la rue. Ma cousine de cinq ans ma cadette épuise un couple de papillons avec son filet de pêche. Nous n'avons pas encore fait vingt mètres que ça crie dans tous les sens. Elle a foncé dans un buisson d'épines, l'ainé de mes deux cousins a poussé le plus petit pour avoir le ballon. Un genou éraflé, une robe déchirée, le tout en cinq minutes.
Les adultes sont déjà exaspérés et nous, nous sommes parés, prêts pour retourner le sable des milliers de fois, courir après les crabes et se jeter dans les vagues.

Le chemin pour gagner la plage est paisible. Nous parcourons des rues pavillonnaires, les routes sont bordées de mauvaises herbes colorées et qui ont toutes de quoi attirer mon attention : celles qui se dispersent dans le vent, celles qui piquent ou celles qui grattent, ou encore celles que l'on fait miroiter sous le menton pour savoir à quel point on est gourmand.

Tous les deux pâtés de maisons, il y a ces ronds-points couverts de pins maritimes, le sol est recouvert d'aiguilles sèches. Je pourrais y passer des jours entiers à bâtir des cabanes, à jouer à se piquer le cou, à graver des dessins dans l'écorce avec le couteau-suisse de papi. L'odeur est envoutante comme un bon miel boisé et résineux et c'est ce qui réveillera le plus de souvenirs quand je serais plus grand.

Le sable de l'océan n'est pas bien loin maintenant mais il faudra gravir au moins le tiers des dunes pour commencer à entendre les vagues. Pour l'instant avec le manche de ma pelle je butte sur les barreaux qui gardent la dernière maison avant la mer.

Mon frère dans sa poussette fait de la résistance, la sieste n'a de fin à son âge que lorsque son ventre le décide.

Nous gagnons désormais la grande procession, celle des bruits de claquettes sur les caillebotis : un pèlerinage en maillot de bain.

Je suis tellement heureux d'être là que le soleil fait bouillir une petite larme de joie sur ma joue. En essayant d'en retenir une deuxième, celle-ci se mêle à la crème solaire sur ma paupière ; ça pique. 

Au sommet, nous voilà enfin. Le vent est libéré, il sèche nos fronts suants et nous donne les dernières forces manquantes pour foncer vers l'eau.

 

Cogitograf, 26 Sept 2018

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Tag(s) : #Atelier, #Exercices
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